Ce
clavecin de Philippe Denis (1674) est le premier clavecin de la collection
du Berceau Royal dont je retrouve la trace sonore !
Ce
clavecin est sorti des ateliers Denis sous
le règne de Louis XIV. Les membres de cette célèbre dynastie de facteurs
apposaient tous, à la sanguine sous la table d'harmonie, leur signature
ainsi qu'un pentagramme, figure géométrique intégrant le nombre d'or
dans sa construction.
Des quatre
clavecins Denis qui subsistent à ce jour, c'est le seul en état de
jeu. Sa restauration, dont Daniel Ruf a accepté la responsabilité,
a permis de le choisir pour l'enregistrement des Douze fantaisies
de Telemann réalisé par Anne
Robert en mars 1999 à l'Abbaye Saint-Colomban (Haute Saône).
La caisse,
aux éclisses de noyer, était à l'origine peinte en noir, tandis que
le des-sous du couvercle et la console l'étaient en rouge brique,
seules couleurs autorisées aux "luthiers" par les règles de leur
corporation. Le clavier comportait une octave courte avec une feinte
brisée sur le ré. La table d'harmonie, décorée à la française, est
ornée d'une rosace en parchemin qui a survécu.
Au XVIIIe
siècle, le piétement d'origine a été remplacé par un piétement Louis
XV plus au goût du jour. A la même époque sans doute, un petit ravalement
a été effectué: ajout de deux cordes au grave et à l'aigu, ce qui
a permis la suppression de l'octave courte et le passage du diapason
392 à 415 Hz. Il a été également redécoré de "laques à la manière
de Chine" alors très à la mode.
Au XIXe
siècle, l'instrument a subi un abandon prolongé. Il semble avoir
servi de bougeoir, table à repasser, cendrier, sup-port pour pot
de fleurs. Il en porte en tout cas les stigmates.
Au XXe
siècle, notre clavecin se retrouve dans la collection
Salomon; mais ne jouant plus, il est confié aux Frères Masson
en 1922 pour une restauration qui ne semble pas avoir été couronnée
de succès, car d'après mes observations, ils n 'auraient pas diagnostiqué,
sous le placage, un sommier fendu sur toute son épaisseur.
Mis
en vente chez Drouot en 1934, vraisemblablement comme meuble décoré,
le Denis est acquis par un maître de forge lorrain et il enrichit
alors les collections du château
de Montaigu, actuellement géré par
le Musée Lorrain à Nancy.
(d'après
l'article de Daniel
Ruf extrait de la pochette du CD)